Bonjour à toi, je m'appelle Laana Maderdin, mais tu peux aussi m'appeler Sister, sorcière. J'ai 31 ans. Dans la vie je ne suis définitivement pas attirée par les hommes et actuellement dévouée à ma cause. On me dit souvent que je ressemble à Medalion Rahimi, et surtout je suis issue de la Roue du Temps.

Laana est originaire de l’Arad Doman. Sa mère est membre du Conseil des Marchands, l’assemblée constitutive qui contrebalance le pouvoir monarchique du royaume. Ce statut fait des Marderin une famille influente et respectée à Bandar Eban, la capitale de la nation. L’enfant est élevée dans la plus pure tradition domanie. En tant que future jeune femme, elle apprend donc l’art de la séduction et à manier les mots pour détourner toute négociation à son avantage. Le royaume de l’Arad Doman est en effet réputé et opulent du fait des talents des femmes de son peuple en tant que marchandes. Il est commun d’entendre que toute transaction avec une Domanie est perdue d’avance. La vie de l’adolescente s’éloigna considérablement des projets de ses parents l’année de ses quinze printemps. Alors qu’aucune bougie ou aucune flamme n’ornait sa chambre, un petit incendie s’est en effet déclenché dans son sommeil, pendant qu’elle souffrait d’un cauchemar. La frayeur passée, les Marderin réalisèrent que leur fille unique était une canalisatrice et qu’elle avait touché le Pouvoir Unique et tissé le fil de Feu.

Malgré la sédentarité poussée des Domanis, la brune prit la route avec sa mère en direction de Tar Valon. La Tour Blanche qui s’y trouvait était en effet l’un des plus grands rassemblements de canalisateurs du continent : les Aes Sedai. Présentée à l’une des sœurs de la Tour, celle-ci exigea immédiatement que la demoiselle intègre leur rang en tant que novice. Les femmes capables de tisser le Feu étaient effectivement rares, l’Eau et l’Air étant généralement leurs éléments d’excellence. Comme pour beaucoup de jeunes novices, l’amour parental ne fit pas le poids face à la détermination d’une Aes Sedai et Laana rejoignit cette organisation, ne revoyant jamais ses géniteurs. Bien qu’elle ait du mal à se l’admettre, elle regrette difficilement cette séparation, n’ayant aucun goût pour l’existence qui s’offrait à elle en tant qu’héritière domanie.

La brune passa les quatorze années suivantes au sein de la Tour, soumise à la discipline et à la rigueur des Aes Sedai. Là où sa mère et les traditions de son royaume natal avaient forgé ses charmes et ses talents oratoires, ses nouvelles sœurs aiguisèrent plutôt son esprit et son pouvoir. Ce changement de mode de vie fut bien accepté par la jeune femme qui franchit progressivement les paliers de la hiérarchie, passant de novice à acceptée. Il se révéla qu’en plus du Feu, son second fil élémentaire privilégié était l’Air. Elle était une décente canalisatrice de l’Esprit, mais quasi-incompétente pour tisser l’Eau ou la Terre. Son talent pour le Feu attira l’attention de nombreuses sœurs aînées qui s’empressèrent de la conseiller et la guider, usant de leurs dons de persuasion pour prendre Laana sous leur aile, qu’elle le veuille ou non. La hiérarchie Aes Sedai, privilégiant la puissance et l’âge, la rendit totalement malléable pour ces femmes pétries d’ambitions et d’intentions déguisées.

Lorsqu’elle atteignit le rang de confirmée, d’Aes Sedai autonome et indépendante, le temps vint de choisir son Ajah, parmi les sept de la Tour Blanche. Bien que son instinct la pousse vers l’Ajah Grise, rassemblant les sœurs diplomates et médiatrices, de nombreuses pressions extérieures, de la part de ses sœurs, mais également pour élever sa position dans cette organisation régit par la loi de la plus forte, la dirigèrent vers l’Ajah Verte, l’Ajah des guerrières, des canalisatrices capables de changer le cours d’une bataille par leur simple présence au combat. Sa pratique du fil de Feu fut aussi considérée comme un atout majeur pour cette Ajah en particulier. Son Ajah choisie, ou plutôt décidée pour elle, Laana prêta les Trois Serments des Aes Sedai.



Naturellement, les canalisatrices étaient passées maître dans l’art de se jouer du premier serment, parvenant à dissimuler leurs intentions sans mentir pour autant. Si cela n’avait pas fait partie des enseignements Aes Sedai, l’éducation domanie de la brune aurait suffi à lui permettre d’honorer cette parole. Forte de son nouveau statut, Laana put enfin quitter Tar Valon. Elle voyagea durant plusieurs mois, intervenant pour altérer le cours de batailles dont l’issue politique initiale ne convenait pas aux Aes Sedai. Ses sœurs avaient raison, sa puissance détournait même les combattants les plus aguerris. Néanmoins, son refus de se lier avec un Champion, un guerrier prodigieux destiné à la protéger pendant qu’elle canalisait, se révéla de plus en plus périlleux pour elle, mettant à plusieurs reprises sa vie en danger.

Cela changea lors d’un périple en Altara. Au détour d’une énième lutte, elle combattit aux côtés d’un prodige du tir à l’arc, qui se revendiquait par ailleurs meilleur archer altaran. Au fil des jours, la canalisatrice trouva de plus en plus aisé de croire en ce qu’elle avait initialement pris pour de l’arrogance pure. Entre deux échauffourées, autour de leur feu de camp de fortune, l’homme prit le temps de vanter la cuisine de sa nation, piquant au passage les Domanis qui rendaient l’accès à leur gastronomie moins simple par l’usage de sursa, deux baguettes en bois. Cette fraternité circonstancielle évolua bien rapidement en une véritable amitié et un lien de confiance qu’elle n’aurait pas cru possible avec un homme. L’archer rentra avec elle à la Tour Blanche et devint son Champion. Les membres de l’Ajah Verte étaient connues pour avoir de fortes relations avec leurs Champions, parfois romantiques, souvent physiques. Dès qu’ils furent liés et qu’il partagea avec elle ses sentiments, il comprit que ce n’était pas ce que l’Aes Sedai attendait de lui. Il devint donc son frère, le rayon de soleil qui illuminait même les jours les plus sombres et compensait l’austérité et le sérieux de circonstance de celle qu’il avait jurée de protéger. Il n’était pas rare de le trouver occupé à préparer des mets délicieux au sein des campements, malgré de maigres cueillettes, faisant oublier le temps d’un repas le combat qui se profilait à l’horizon.

La canalisatrice et son Champion cheminèrent et luttèrent ensemble quotidiennement pendant plus d’un an. Jusqu’à la bataille fatidique. Ils furent pris en étau par des renforts que la Tour Blanche n’avait pas su anticiper, malgré son réseau d’espions. Laana sentit l’archer mourir en premier, alors que leur lien se brisait et la laissait dans un tourment émotionnel sans pareil. Sa concentration amputée et privée de son unique protecteur, la femme fut blessée à l’abdomen. Elle tissa in extremis un voile d’invisibilité qui lui sauva la vie, la dissimulant de ses ennemis. La brune n’était pas sauvée pour autant, sa plaie nécessitant des soins si elle souhaitait en réchapper. Elle demeura immobile de longues heures dans la forêt, alors que la nuit tombait et se faisait de plus en plus menaçante. La trentenaire se traîna finalement jusqu’à un ruisseau qu’elle entendait couler non loin de là. Elle savait que si elle voulait survivre, elle devait compenser le sang qu’elle était en train de perdre. Deux gorgées d’eau fraîche plus tard, elle perdit connaissance.

L’Aes Sedai se réveilla dans une chaumière et eut la surprise de trouver sa plaie guérie. La famille qui l’avait sauvée fit l’objet de sa méfiance avant de s’offrir sa reconnaissance. Ils lui expliquèrent tout. Elle se trouvait en Ravka et ils étaient un groupe de Fondeurs. Ici pas d’Aes Sedai et de Pouvoir Unique, mais des Grishas et de la Petite Science. Les hommes pouvaient accéder aux mêmes capacités que les femmes sans être conduits à la folie, contrairement au monde que connaissait Laana. Les Grishas étaient oppressés, ayant le choix entre rejoindre le Little Palace et servir d’armée ou vivre sous la menace constante de la haine des autres. L’avancée des technologies de l’armement rendait les pouvoirs des Grishas de moins en moins suffisants pour assurer leur supériorité dans un combat. Comme pour souligner leurs récits, la famille fit au bout de quelques semaines l’objet d’une attaque menée par l’intolérance et la peur, au cours de laquelle ils persuadèrent la canalisatrice de ne pas se battre et de fuir, les abandonnant à un sort incertain.

La Domanie a atteint la ville de Ryevost où elle fait profil bas dans une auberge. Lorsque cela est à son avantage, elle se présente comme une Inferni, mais dissimule ses dons le reste du temps. La jeune femme vivote au jour le jour, esseulée et détournée de tous ses objectifs. Qu’adviendra-t-il d’elle sans personne pour lui dire qui elle doit être ?

De l'autre côté de l'écran ~ voir Sam